Flambée du prix des matières premières : attention à l’adéquation des limites des polices d’assurance par rapport aux valeurs en jeu
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Un défi assurantiel
Les matières premières ont connu ces dernières années des hausses parfois fulgurantes – on pense notamment à la fève de cacao qui a vu son prix à la tonne exploser en quelques mois pour dépasser la barre symbolique des 10 000 dollars. Cette tendance haussière et difficilement prévisible vient générer des défis supplémentaires pour les acteurs du marché et notamment en matière d’assurances des marchandises transportées où les limites de couverture en transit et en stock peuvent devenir insuffisantes.
Volatilité des matières premières - causes conjoncturelles :
Le cacao n’est pas la seule matière à avoir connu d’impressionnantes envolées ces dernières années : les métaux, le pétrole, le gaz et l’ensemble des matières premières agricoles ont vu leurs prix augmenter. Les causes sont nombreuses et varient en fonction de chaque marchandise mais on peut relever quelques dénominateurs communs.
Les dénominateurs communs
Une instabilité géopolitique mondiale : l’instabilité géopolitique mondiale, notamment la guerre en Ukraine, les attaques Houthis sur la mer Rouge, le conflit israélo-palestinien, ont provoqué des tumultes sur les marchés générant notamment des augmentations du prix du pétrole et du gaz, des changements de routes maritimes, qui eux-mêmes influencent les couts de production et de transport.
Conséquences de la crise sanitaire : même si cette période parait révolue, les conséquences de la crise sanitaire marquent encore le marché. En effet, la reprise des flux économiques mondiaux a pâti d’une offre limitée de certaines matières premières en raison des blocages logistiques et difficultés d’approvisionnement à l’échelle mondiale dont les effets se ressentent encore aujourd’hui.
Conditions climatiques : on peut se concentrer ici de nouveau sur le cacao dont la volatilité des prix a été en grande partie causée par des phénomènes climatiques. Outre El Nino qui entraine des modifications météorologiques à l’échelle mondiale, la Côte d’Ivoire et le Ghana (qui représentent 60% de la production mondiale de cacao) ont été touchés par une sécheresse persistante provoquant une réduction notable de la production dans ses pays et donc une augmentation notable des prix.
Cette volatilité des prix a un impact direct sur la valorisation des marchandises assurées en stock ou en transit. Les valeurs à assurer augmentant corrélativement aux prix du marchandises, les polices d’assurances sont parfois insuffisantes par rapport aux besoins réels des acteurs du marché.
Les risques assurantiels liés
L’absence d’indexation automatique des contrats : les polices et contrats d’assurances ne sont en général pas indexés aux prix des marchandises. En effet, une limite d’assurance par transport, par lieu de stockage et/ou par événement est souvent mise en place au moment de la négociation des conditions contractuelles (à la souscription ou lors du renouvellement) et demeure valide pour l’année. Cette limite n’est pas évolutive, il n’y a pas de révision automatique, et celle-ci peut brutalement être décorrélée de la valeur réelle des marchandises transportées ou stockées, mettant ainsi les Assurés en risque direct sur la partie dépassant ces limites.
Les risques liés à la sous-assurance : si l’Assuré ne déclare pas les nouvelles valeurs des marchandises transportées ou stockées, celui-ci peut se retrouver en situation de sous-assurance : qui peut être synonyme de sanctions lorsque la règle proportionnelle n’est pas abrogée au sein des contrats. En effet, si la valeur assurée est inférieure à la valeur réelle des marchandises, l’indemnité est ajustée et l’Assureur n’indemnisera le sinistre qu’au pro rata de la couverture souscrite par rapport à la valeur des marchandises.
Par exemple, si un conteneur de cacao d’une valeur totale de 250 000 dollars est assuré à hauteur de 200 000 dollars, soit 25% de moins que sa valeur réelle, l’indemnité versée en cas de sinistre sera réduite de 25%.
Les limites de responsabilité des transporteurs et/ou entrepositaires
En assurance maritime, les transporteurs (par voie de mer ou de terre) ont souvent des limites de responsabilité fixées par la loi ou par les conventions internationales de transport. S’agissant des entrepositaires, ceux-ci ont également de nombreuses limitations de responsabilité au sein des contrats d’entreposage.
Ces limites sont souvent bien inférieures à la valeur réelle des marchandises. En cas de sinistre, le montant maximum que le tiers responsable est tenu de verser sera très souvent insuffisant pour compenser la perte de l’Assuré. Cette situation peut venir aggraver la perte de l’Assuré propriétaire des marchandises.
La volatilité des prix des marchandises assurées est vectrice de risques pour les acteurs du marché : la sous-assurance ou l’inadéquation des limites peut entraîner des conséquences graves sur la continuité des opérations des entreprises. Il existe néanmoins des solutions pour limiter drastiquement ces risques.
Solutions pour limiter ces risques
Surveillance et gestion des risques régulières : il n’y a pas de solution miracle, aujourd’hui il est essentiel pour les entreprises de revoir régulièrement leurs contrats d’assurances afin de vérifier que ceux-ci sont bien en ligne avec la réalité de leurs expositions. Ainsi, les Assurés avec l’aide de leurs courtiers d’assurance, doivent procéder à des audits réguliers (de manière accrue dans un contexte comme celui qui nous concerne) sans attendre le renouvellement du contrat pour faire un point sur ces limites. Le courtier spécialiste est là pour assister de manière proactive l’Assuré au quotidien dans ce travail d’audit.
L’achat de capacité complémentaire : une fois l’état des lieux effectué et s’il s’avère que la limite d’assurance du contrat n’est pas suffisante, plusieurs options s’offrent aux Assurés moyennant paiement de primes supplémentaires.
- L’augmentation de la limite d’assurance de base : La limite du contrat d’assurance est certes fixée pour l’année mais n’est pas forcément immuable. Il est alors possible en cours de contrat de négocier auprès des Assureurs une augmentation de celle-ci. Ainsi, une nouvelle limite pourra s’appliquer en conformité avec les expositions des Assurés. Il pourra être possible d’augmenter les limites de la police avec le pool d’assureurs existants ou il pourra être nécessaire d’intégrer de nouveaux co-assureurs dans la police. A noter qu’ il peut y avoir un certain délai entre l’entrée en vigueur de la nouvelle limite et la réalité du risque, également ces augmentations de limites ne sont généralement pas rétroactives, d’où la nécessité d’être proactif dans le pilotage des expositions.
- La mise en place de lignes supplémentaires d’assurance : Il peut également être intéressant pour l’Assuré de travailler, non pas sur une augmentation de la limite de sa police principale de base, mais sur la mise en place d’une ligne supplémentaire d’assurance. On parle alors communément de ligne « d’excess » ou ligne d’excédent. Cette police d’assurance nouvelle interviendra lorsque les limites de la police de base seront dépassées. Certains assurés choisissent cette option dans les cas où les dépassements sont limités à certains sites de stockage ou certains trafics, ou lorsque les assureurs de base n’ont pas la volonté ou les capacités nécessaires pour augmenter les limites du contrat. On peut également décider de travailler sur base de lignes d’excess dans le cas où les marchés d’excédents seraient plus attractifs d’un point de vue financier. En effet, ces lignes peu soumises à la sinistralité de fréquence, peuvent avoir des couts fixes moins élevés. Il est nécessaire d’étudier avec les courtiers l’intérêt de ce type de montage, chaque risque et chaque Assuré étant différent.