Actualités

La Libre Prestation de Services (LPS) et son application dans les programmes d'assurances internationaux

Published

Read time

Les questions à se poser avant la souscription

En Europe, plus précisément au sein de l'Espace Économique Européen (EEE), le régime de la Libre Prestation de Services (Freedom of Services en anglais) est couramment utilisé pour la structuration des programmes d'assurance internationaux.

Ce dispositif est un passeport européen qui permet à un assureur d'un pays de l'EEE de couvrir un risque dans un autre État membre sans émettre une police locale.

Selon la directive Solvabilité 2, les assureurs ou réassureurs européens ayant reçu un agrément de leur autorité nationale de supervision peuvent exercer dans un autre État membre sans besoin d'une autorisation locale. Bien qu'il simplifie la gestion des risques et des assurances pour les entreprises présentes en Europe, son application comporte des subtilités qu'il est essentiel de comprendre.

En principe, le processus est simple : un contrat d'assurance est souscrit par la maison mère de l'entreprise, que ce soit en France ou dans un autre pays de l'EEE, et ce contrat couvre directement les filiales localisées dans les pays de l'EEE.

Cette approche permet d'harmoniser les conditions d'assurance pour l'ensemble des filiales situées au sein du territoire européen et générer des économies en matière de coûts de gestion, notamment en optimisant les frais de production, d'émission et de facturation des contrats.

Cependant, plusieurs points doivent être examinés avant de souscrire un contrat exploitant le principe de la LPS, notamment en ce qui concerne la gestion et la fiscalité.

Europe

Les trois aspects clés à considérer

01. Une gestion entièrement centralisée est-elle adaptée aux besoins de l'entreprise ?

L'utilisation de la LPS implique une absence de service local de proximité. Dans le cadre d’un contrat unique valant pour l’ensemble des filiales au sein d’un même territoire, la gestion est menée de manière centralisée par le courtier et l’assureur en lien avec la maison mère. Les filiales devront donc se référer aux informations fournies au niveau central mais ne pourront bénéficier d’un accompagnement de proximité par un courtier ou un assureur local puisque les réseaux locaux ne sont pas mobilisés quand le contrat est en base LPS.

De plus, il convient de noter que le texte de la police est rédigé uniquement dans la langue du pays d'émission, et que les attestations d'assurance sont rédigées dans cette même langue et, éventuellement, en anglais. Cependant, si l'une des filiales nécessite des attestations d'assurance dans une autre langue que l'anglais ou la langue du pays d'émission, par exemple pour la signature de marchés locaux, il faudra émettre une police locale, et se détourner du principe même de la LPS.

En outre la gestion des sinistres est également centralisée dans le pays d'émission, ce qui signifie que les sinistres doivent être déclarés à l'assureur ou au courtier dans le pays où le contrat groupe a été souscrit. Cette situation peut engendrer des difficultés liées aux différences de langage ou de pratiques. Lorsque la gestion d'un sinistre nécessite la collecte de documents ou des échanges dans une langue différente de celle du pays de la maison mère, le processus d'indemnisation peut être plus long et complexe qu'avec une police locale, gérée dans la langue du pays d'émission.

02.  Comment s’adapter aux contraintes réglementaires des pays où les filiales sont implantées ?

Dans le cadre de la LPS, le contrat de référence est celui souscrit dans le pays d'émission, conformément aux normes et capacités du marché concerné. Toutefois, ce contrat peut ne pas répondre aux exigences locales. Si un pays couvert impose des garanties spécifiques non prévues dans le pays d'émission, la garantie ne pourra pas être appliquée au titre du contrat groupe et il faudra nécessairement souscrire une police locale conforme aux exigences réglementaires de ce pays.

Il est d’ailleurs intéressant de pousser la réflexion au-delà du contenu des contrats et de considérer également le niveau d’efficacité des autorités de contrôle locales et la maitrise technique des assureurs lorsqu’ils opèrent en dehors de leur marché principal. A titre d’exemple, il y a quelques années, l’ACPR avait donné l’alerte suite à de nombreuses dérives et défaillances liées à des prises de positions d’assureurs localisés en Europe sur le marché français.

En effet, des assureurs situés à l'étranger ayant commercialisé des solutions pour des risques situés en France dans des secteurs spécifiques, tels que la construction et la responsabilité civile médicale, avaient subitement cessé leurs activités ou démontré une incapacité à régler les sinistres des assurés. La LPS, lorsqu’elle est exploitée à des fins commerciales opportunistes, sans prendre en compte les spécificités réglementaires et techniques des marchés locaux, constitue un risque pour les entreprises assurées.

Urbain

03. Comment s’appliquent les taxes sur les primes d’assurance dans le cadre de la LPS ?

La fiscalité est un aspect à prendre en compte avant souscription. Bien que la LPS permette d'éviter l'émission d'une police locale, elle n'exonère pas l’entreprise assurée du paiement des taxes locales sur les primes d'assurance, dont le montant est variable en fonction du pays et de la branche d’assurance. En effet, pour chaque pays, une quote-part de la prime est déterminée selon une clé de répartition préétablie, afin de déterminer le montant à reverser aux autorités fiscales locales. Si la taxe sur la prime d'assurance n'est pas collectée et reversée au pays en question, l'indemnisation d'un sinistre local ne pourra pas être effectuée localement.

En résumé, la LPS apparaît comme un levier économique intéressant pour optimiser les coûts de gestion d'un programme international d'assurance et favoriser une solution centralisée au niveau de la maison mère, particulièrement adaptée aux sociétés fortement centralisées ayant un contrôle fort sur les assurances.

Cependant, en pratique, l'application de la LPS repose sur des mécanismes complexes, et son apparente simplicité peut être mise à mal si les questions fiscales et opérationnelles ne sont pas abordées en amont avec le courtier et l'assureur.

Contact

Photo of Anaïs Noël

Anaïs Noël

Directrice Segment Petites Entreprises et International
Photo of Anaïs Noël

Anaïs Noël

Directrice Segment Petites Entreprises et International

Titulaire d’un Master 2 de l’ENASS et d’un MBA Management, risques et contrôle de l’Université Paris Dauphine, Anaïs a travaillé plus de 10 ans au sein du cabinet WTW avant de rejoindre Howden France.

Spécialiste des programmes internationaux et de l’accompagnement des clients multinationaux, elle pilote en tant que directrice International les services apportés à nos clients à l’import et à l’export et participe au développement des synergies entre Howden France et le réseau Howden.

Besoin d'être accompagné dans vos opérations à l'international ?